« Il n’existe pas de compagnie plus précieuse que celle de l’âme qui vous comprend sans qu’un mot ne soit prononcé. »
John Green
Découvrir, redécouvrir, s'interroger, s'étonner... Un peu de l'auteur aussi... Juste une page sans prétention, sinon interpeller le quidam virtuel !
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La rencontre
"Plus incompréhensible encore leur sera l'état de l'homme qui souffre de la conscience effroyablement claire. Il s'agit de la douleur peu commune aux mortels de se trouver soudain trop "conscient de soi". Il est bien vain de tenter de faire naître, dans un esprit qui ne l'a pas expérimenté, l'approximation de cet état qui selon un déterminisme inconnu, en un instant soudain (ce que les gnostiques asiatiques ont pour convention de nommer le subitisme), plonge un être dans l'horreur froide et tenace du voile déchiré des antiques mystères (symbolisme utilisé d'ailleurs dans les écriture à propos du voile du sanctuaire) . C'est devant la disponibilité la plus absolue de la conscience, le rappel brusque de l'inutilité de l'acte en cours, sa vacuité, devenu symbole de tout Acte, devant le scandale d'être et d'être limité sans connaissance de soi-même. Essence de l'angoisse en soi qui fait les fous, qui fait les morts", dans cette ronde des cecitaires au feu divin, et où le gnostique se trouve en communion avec la multitude qui ignore cette liberté, dans cette abyssale solitude de l'être accompli.
Sensibilisé au travers de sa propre mort, éveillé à l'existence, l'introspectant se met alors en quête du soi intime, nu, sans image". C'est en mourant pour renaître vraiment (la résurrection est là)» que le gnostique aborde enfin son moi où, suprême a-dialectique, il reconnaît sa condition divine dans cette rencontre entre le créateur et sa créature, entre le soi et lui même. Rencontre qui érige enfin l'être pour sa réelle finalité, celui d'être totalement, sans intermédiaire issue d'une pensée factice par nature.
L'actant s'est métamorphosé enfin dans ce non-acte sublime pour parvenir à ce qu'il n 'a jamais cessé d'être sans le savoir jusque là !
« Il n’existe pas de compagnie plus précieuse que celle de l’âme qui vous comprend sans qu’un mot ne soit prononcé. »
John Green
« La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps.
La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression.
Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.
Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.
Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.
Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible.
Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.
L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans « 1984 » à Ray Bradbury dans « Fahrenheit 451 » qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots.
Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots.
Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ?
Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants : faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.
Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté.
Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté. »
Christophe Clavé
"La meilleure façon de défendre une langue, c'est de la parler bien, de l'écrire le mieux possible et de la lire beaucoup."
Les chats nous comprennent et c’est là le plus bel hommage qu’on puisse leur rendre. |
Si je m’écoutais, je vivrais entouré de chats et de rien d’autre. De quelques livres aussi. Et de musique, sans laquelle la vie ne ressemblerait à rien. Je vivrais de rien, d’amour et d’eau fraîche, de légumes plantés dans mon potager, de l’air du temps et de ces mille petits riens qui font le sel de l’existence. Surtout, je me garderais bien des hommes, de leur médisance et de leur lâcheté, de leur tromperie et de leur méchanceté, de leur vacuité et de leur bavardage.
J’irais dans la vie, solitaire, sans attache, libre, sans comptes à rendre à personne, accompagné d’un chat dont la présence ne me quitterait jamais. Nous habiterions une simple cabane, près d’un lac aux eaux bleutées, entourés d’arbres qui s’élèveraient hauts dans le ciel, mirifiques et majestueux, parmi la tendre beauté de paysages qui ne s’encombrent d’aucun artifice pour se laisser admirer, quand le soleil au zénith s’étend au-dessus d'eux et chante le bonheur terrestre.
Nous serions inséparables mon chat et moi. Je n’aurais aucun secret pour lui, il se confierait à moi, assuré que jamais je ne le trahirais. Il serait là, beau et doux comme tous les chats, énigmatique et solitaire, placide et attentif, les yeux pleins de ces mystères dont les dieux les ont pourvus pour mieux nous ensorceler, promenant son allure féline parmi les livres et mes souvenirs d’autrefois.
Les chats, eux, ne nous jugent pas
Point de disputes, de cris, de rivalités mesquines –commerce habituel des individus– mais le simple plaisir d’être, de prendre la vie comme elle vient, d’ouvrir grand les portes de nos sens pour mieux la goûter et la révérer, dans cet accomplissement de l’existence qui s’écoule, douce et sans fracas. Il veillerait sur moi, je le laisserais vivre sa vie et quand il viendrait me voir pour me conter sa journée, je l’accueillerais comme un vieil ami dont il me tarde d’avoir des nouvelles. Il me dirait ses courses et ses poursuites, ses haltes et ses siestes, ses cachettes et ses ruses, ses chevauchées fantastiques et ses raccourcis furtifs et, blotti à mes pieds, il s’endormirait, heureux d’exister.
Je prendrais le temps de le regarder, ce chat enroulé sur lui-même, à la respiration profonde qui parfois s’agite quand dans ses rêves opiniâtres, il se lance des défis homériques, à la lueur de ses moustaches frétillantes qui sont les palpitations des cœurs quand ils s’éprennent les uns des autres. Et dans le soir qui décline, parmi les senteurs qui montent de la terre assoupie, au milieu des trésors de la nature alanguie, je lui dirais mes doutes et mes chagrins, mes peurs et mes vertiges, ma condition d’homme perdu dans un monde qui le déborde et le dévore.
Il ne me jugerait jamais –le chat n’a pas le goût des manigances et des machinations dont nous autres humains sommes si friands, quand il s’agit d’écraser l’autre pour mieux asseoir son autorité. Il m’accepterait comme je suis, fragile mais fort, joyeux mais désespéré, mélancolique mais idolâtre d’une vie honnie et aimée à la fois, toujours éclairée par la présence de ces chats dont les vagabondages singuliers, les pitreries toujours recommencées, les incessantes loufoqueries, les folies et les caprices, leur charme ineffable et leur grâce jamais domptée m’auront plus d’une fois dissuadé d’aller au-devant de la mort carnassière et oublieuse.
Par Laurent Sabalovitsch pour le journal Slate", lien ci-dessous
https://www.slate.fr/story/172758/chats-consolation-douleur-vivre
A quoi peuvent bien rêver les chats ?
Sont-ils en voyage dans d'autres dimensions, en pleine partie de chasse, en temporelle suspension ?
J'aimerais me noyer dans leurs songes, épouser leurs postures fantasques, goûter aux hautes sphères célestes, aller et venir au royaume d'Hadès, sans obole, laper au Léthé sans perdre la mémoire.
Allier tous les privilèges des anciens et nouveaux mondes, arpenter les couloirs du temps à ma guise, errer sur tous les territoires comme s'ils étaient miens, et en grand seigneur, tolérer de lointaines présences.
Combattre des ennemis imaginaires, pour apprécier le repos des braves, et raconter, à la manière des griots, les exploits hors du commun des mortels.
Avoir la vision de l'invisible, du non perçu, être dans l'éternelle présence, inétendu instant qui ne passe jamais.
Être enfin chat le temps d'un songe...
MC
"Lorsque l’esprit des hommes te paraîtra étroit, dis-toi que la terre est vaste.
N’hésite jamais à t’éloigner, au-delà de toutes les mers, au-delà de toutes les frontières, de toutes les patries, de toutes les croyances."
Amin Malaaouf
L'instant qui ne passe pas est une offrande pour celui qui sait capter ce temps inétendu...
là où les secondes se décomposent et laissent une toile blanche, infinie, hors des images et des mots...
MC
Aude, juin 2023
"Si vous ne pouvez pas voler, alors courez,
Si vous ne pouvez pas courir, alors marchez,
Si vous ne pouvez pas marcher, alors rampez,
Mais quoique vous fassiez, vous devez continuer à avancer."
Martin Luther King
Pour la mascotte et la muse du blog, l'hiver est le moment, comme pour les humains, de se recentrer sur les activités intérieures et l'observation, mais bien à l'abri des frimas derrières une des fenêtres de son domaine car les sorties sont écourtées. On aime son petit confort !
MC
La fin de l'automne et l'hiver permet de nous faire voir toute la majesté des grands arbres déployant leurs grandes ramures, tel un orant végétal reliant le ciel et la Terre !
Ici un noyer magnifique.
Aude, décembre 2023
Les chats de rencontres sont souvent, pour celui qui se donne la peine de l'approcher des initiateurs de belles rencontre, comme ce jour ou Isis apparu au détour d'une petite rue d'un village médiéval.
Avec ce langage corporel qui leur est propre, Isis nous a emmené vers des rencontres uniques, comme cet artiste presque centenaire qui avait moult histoires à nous conter, et d'autres aux tranches de vies passionnantes...
Le chat est un passeur de mondes...
MC
Isis, Alet les bains, août 2023
Là où le temps décante, chant rural qui s'accorde au rythme profond de l'homme, fils d'or qui réunit tous les moments du monde en un instant qui ne passe pas...
MC
Aude, août 2023
Près d'une forêt encore sauvage et toujours empreint de mystères, une magnifique silhouette émerge au détour d'une petite route de campagne. Blondeur du crin, altière attitude, tout invite à la contemplation, à une osmose entre l'humain et la nature qui l'entoure, à une discussion silencieuse avec ce noble animal...
MC
Aude, juin 2023
La lecture nourrit notre imagination et stimule l'intellect. C'est un voyage introspectif qui permet de se plonger dans les pensées des autres, découvrir des idées nouvelles, comprendre des perspectives différentes. Elle éveille la curiosité, cette flamme intérieure qui pousse l'esprit à explorer des contrées inconnues. À travers les pages d'un livre, on peut se retrouver transporté dans des époques lointaines, dialoguer avec des personnages imaginaires ou réels, vivre des expériences qui dépassent les limites du temps et de l'espace.
Elle permet d'affiner son esprit critique et stimule la créativité plus d'être un refuge de paix intérieure et une aventure sans fin...
Comme le disait Hugo, mettez des livres partout !
MC
Esperaza, juin 2023
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse,sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.
Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d’un fantassin romain.
Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi. Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu’évidemment ils allaient quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.
Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n’avait l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu’il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.
Et le cortège passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.
Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
Chacun sa chimère. C. Baudelaire