Il est certain que la natalité est excessive pour la civilisation qu'on prépare à ceux qui naissent aujourd'hui.
J. Green
Découvrir, redécouvrir, s'interroger, s'étonner... Un peu de l'auteur aussi... Juste une page sans prétention, sinon interpeller le quidam virtuel !
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La rencontre
"Plus incompréhensible encore leur sera l'état de l'homme qui souffre de la conscience effroyablement claire. Il s'agit de la douleur peu commune aux mortels de se trouver soudain trop "conscient de soi". Il est bien vain de tenter de faire naître, dans un esprit qui ne l'a pas expérimenté, l'approximation de cet état qui selon un déterminisme inconnu, en un instant soudain (ce que les gnostiques asiatiques ont pour convention de nommer le subitisme), plonge un être dans l'horreur froide et tenace du voile déchiré des antiques mystères (symbolisme utilisé d'ailleurs dans les écriture à propos du voile du sanctuaire) . C'est devant la disponibilité la plus absolue de la conscience, le rappel brusque de l'inutilité de l'acte en cours, sa vacuité, devenu symbole de tout Acte, devant le scandale d'être et d'être limité sans connaissance de soi-même. Essence de l'angoisse en soi qui fait les fous, qui fait les morts", dans cette ronde des cecitaires au feu divin, et où le gnostique se trouve en communion avec la multitude qui ignore cette liberté, dans cette abyssale solitude de l'être accompli.
Sensibilisé au travers de sa propre mort, éveillé à l'existence, l'introspectant se met alors en quête du soi intime, nu, sans image". C'est en mourant pour renaître vraiment (la résurrection est là)» que le gnostique aborde enfin son moi où, suprême a-dialectique, il reconnaît sa condition divine dans cette rencontre entre le créateur et sa créature, entre le soi et lui même. Rencontre qui érige enfin l'être pour sa réelle finalité, celui d'être totalement, sans intermédiaire issue d'une pensée factice par nature.
L'actant s'est métamorphosé enfin dans ce non-acte sublime pour parvenir à ce qu'il n 'a jamais cessé d'être sans le savoir jusque là !
Il est certain que la natalité est excessive pour la civilisation qu'on prépare à ceux qui naissent aujourd'hui.
J. Green
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse,sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.
Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d’un fantassin romain.
Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi. Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu’évidemment ils allaient quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.
Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n’avait l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu’il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.
Et le cortège passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.
Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
Chacun sa chimère. C. Baudelaire
7 comments
Pas tellement d'accord... Qu'on soit en surpopulation, c'est un fait, mais je crois que c'est un problème indépendant de la "civilisation", c'est-à-dire de nos modes de vie. Ce que je veux dire par là, c'est que dans un éco-système, une espèce, aussi "discrète" soit-elle, devient destructrice au-delà d'un certain nombre d'individus : besoins spatiaux, besoins en aliments, rejets naturels, rejets moins naturels... Mon opinion est que même si nous étions tous des écologistes "dur dur", nous ne pourrions que précipiter la destruction de notre habitat arriver à notre niveau de peuplement (+ de 6 millliards actuellement, si ma mémoire est bonne, et en route pour être 10 milliards d'ici 10 ans !). Donc je résume : pas sûr que le peuplement soit un problème associé à celui de la "civilisation", il me semble qu'il est plutôt un problème autonome.
10 février 2010 à 08:03Phrase choc certes, provocante, je te rejoins aussi, tout est dans la distribution et l'usage des ressources disponibles, d'ailleurs on a jamais autant "produit" de nourriture et il n'y a jamais autant eu de personnes qui n'ont pas assez à manger ! cependant une stabilisation (attendue) de la population mondiale ne sera pas un mal. Merci comprendre pour ce recadrage !
10 février 2010 à 12:52Petit commentaire parallèle : j'ai entendu, il y a une paire de semaines dans une chronique radio, que l'on serait programmés pour se constituer en groupe sociaux de 2000 personnes maximum. En gros, au-dessus de 2000 personnes, nous ne sommes plus capables d'enregistrer les noms/visages et "l'esprit de groupe" n'existe plus, on se retrouve isolés dans la masse. Ce que je me dis, bêtement, c'est que l'on devrait reconstituer des petits groupes pour recréer des liens entre les gens, d'un même quartier par exemple (ou d'une même paroisse, comme antant). C'est un truc de communiste ? Ben... Voilà, ça m'a fait réfléchir cette info et je voulais t'en parler ;) A plus !
10 février 2010 à 20:26C'est vrai qu'au delà d'un certain seuil, la ville devient inhumaine à vivre, nous sommes "hors échelle".
11 février 2010 à 17:36D'ailleurs pour avoir vécu à Paris (XII ème arrondissement), comme tu dis, on se sentait d'abord d'un quartier, avec ses particularismes, avant d'être de la grande ville lumière, et un certain "esprit villageois" existait. Mais le cadre y fait beaucoup dans la notion qu'ont les habitants de leur lieu de vie : paysage, services publics, commerces de proximité, bref, tout ce qui fait et crée du lien social !
Un de mes vieux maitre me disait souvent que la vérité sociale de l'homme est dans le village, car ce dernier vie à son rythme naturel, biologique. Pour avoir expérimenté les deux, je crois qu'il n'avait pas tord, cependant, les contraintes de la vie active ne permettent souvent pas de choisir... mais c'est une autre question !
Si jamais tu as les références de cette émission c'est volontier que je l'écouterai.
Merci comprendre pour cet intéressant topo et à bientôt
Belle illustration que celle du passage parisien et de ta perception infra-urbaine. Sur l'idée du village "entité sociale" de base, j'ai pour sentiment que certains individus portent en eux une charge psycho-sociale qui leur a été transmise inconsciemment par leurs parents et qui est liée à l'exode rural vécu au moment de la révolution industrielle et de la constitution des pôles urbains. Jules Romains écrivait dans son journal : "J'ai de la terre aux racines" et bien je crois que certains des citadins ne sont pas à l'aise dans leur vie car ils n'ont plus conscience de cette terre qui fut leurs racines historiques et que, inconsciemment, ils ne peuvent se fondre totalement dans un paysage urbain qui n'est, finalement, pas "le leur", ne répond pas, sur beaucoup de points, aux valeurs conscientes et inconscientes qui leur ont été transmises par leurs parents. On tombe dans une espèce de psycho-généalogie, mais j'avoue ne pas être insensible à ce que peut raconter cette branche de la psy. Bref, pour en revenir à nos moutons villageois, la référence, honteuse, est une chronique internet dans l'émission de Morandini, un midi sur Europe 1... Yeurk ! Bon, en même temps je viens de chercher un peu plus autour de cette taille "critique" et j'ai trouvé quelque chose de plus sérieux de Morandini : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_Dunbar
12 février 2010 à 04:47Tu noteras que, pour Dunbar, c'est 150 le nombre de la bascule, pas 2 000... Rapport de 1 à 5, ce n'est pas négligeable. A bientôt !
Comme tu dis, il y a des racines inconscientes d'un passé rural pas si lointain que ça en France, et chez beaucoup le lien ne se fait plus car elles furent coupées par l'exode rural d'avant guerre, les années passent et les souvenirs aussi. Tout un pan du patrimoine dont beaucoup de vrais citadins sont souvent coupés hélas.
12 février 2010 à 21:14Dunbar confirme donc par ces études la limite d'un groupe socialement vivable, 150, l'espace ou l'humain trouve sa place, au delà, il a l'impression de se fondre dans une masse sans visage et sans âme...
Merci comprendre et à bientôt
Oui, c'est bien cela :) Je souhaitais cependant rendre à César ce qui appartient à César : la citation de mon précédent commentaire ("J'ai de la terre aux racines") est de Jules RENARD et non de Jules ROMAINS. Pardon au papa de Poil de carotte pour ce lapsus (trop) matinal :) Pour la peine, la citation exacte : "Fils d'un paysan de mon village qui poussait la charrue, j'ai encore de la terre aux racines".
12 février 2010 à 21:57Enregistrer un commentaire