La couverture




Dans une ville quelconque, à une époque ou la croute était d'autant plus difficile à gagner qu'il n'existait pas de sécurité sociale ni d'assurance maladie, et que le lendemain tenait dans la maigre paye du jour, un foyer vécu cette troublante scène, mélange de Dickens et de Pagnol.
Nous sommes chez M. Durand, un ouvrier qui trime 10 heures par jour pour un salaire de misère. Sous son toit vivent sa femme, leurs deux enfants, une fille de 12 ans et un fils de 8 ans, et son vieux père.
M. Durand : «bon, allez papa, tu sais que je n'ai pas les moyens de te garder à la maison, on en a souvent parlé, et il va falloir que tu partes à l'hospice du quartier.»
Le vieux ne dit rien, sentant bien que cette sentence serait sans appel devant tant de froideur qu'une vie difficile n'avait fait qu'endurcir, et au chagrin s'était substitué la résignation... Il monte vers sa chambre ramasse ses quelques affaires, et ajoute dans sa valise un portrait de sa femme trop tôt partie. Au moment de fermer sa valise, il scrute la pièce, à la recherche d'un souvenir qui se serait caché pour surgir au dernier moment, lorsqu'il perçoit des sanglots venant de la pièce voisine. C'est sont petit fils, qui a tout compris et sait qu'il ne verra plus sont papy comme avant, ne jouera plus avec lui, n'aura plus ses confidences aussi. Il hésite puis se ravise. A quoi bon aller consoler l'inconsolable, il vaut mieux partir dans la discrétion.
Il descend les marches de l'escalier, encombré de sa valise, et, péniblement se dirige vers la porte, ou son fils l'y attend.
«Tiens papa, je te donne cette couverture, tu en aura surement besoin là-bas».
Soudain, le petit fils surgit de nulle part et s'empare de la couverture. Son père le prend alors à la volée et lui pousse une gueulante mémorable en le secouant :
-» mais ça va pas non ! Tu oses voler la couverture de ton grand père, tu n'as pas honte ?»
Alors le petit déchire la couverture en deux morceaux, en garde un et lui hurle à la face :
«Et moi alors, qu'est-ce que je vais te donner lorsque je te chasserai aussi ?»