

Découvrir, redécouvrir, s'interroger, s'étonner... Un peu de l'auteur aussi... Juste une page sans prétention, sinon interpeller le quidam virtuel !
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La rencontre
"Plus incompréhensible encore leur sera l'état de l'homme qui souffre de la conscience effroyablement claire. Il s'agit de la douleur peu commune aux mortels de se trouver soudain trop "conscient de soi". Il est bien vain de tenter de faire naître, dans un esprit qui ne l'a pas expérimenté, l'approximation de cet état qui selon un déterminisme inconnu, en un instant soudain (ce que les gnostiques asiatiques ont pour convention de nommer le subitisme), plonge un être dans l'horreur froide et tenace du voile déchiré des antiques mystères (symbolisme utilisé d'ailleurs dans les écriture à propos du voile du sanctuaire) . C'est devant la disponibilité la plus absolue de la conscience, le rappel brusque de l'inutilité de l'acte en cours, sa vacuité, devenu symbole de tout Acte, devant le scandale d'être et d'être limité sans connaissance de soi-même. Essence de l'angoisse en soi qui fait les fous, qui fait les morts", dans cette ronde des cecitaires au feu divin, et où le gnostique se trouve en communion avec la multitude qui ignore cette liberté, dans cette abyssale solitude de l'être accompli.
Sensibilisé au travers de sa propre mort, éveillé à l'existence, l'introspectant se met alors en quête du soi intime, nu, sans image". C'est en mourant pour renaître vraiment (la résurrection est là)» que le gnostique aborde enfin son moi où, suprême a-dialectique, il reconnaît sa condition divine dans cette rencontre entre le créateur et sa créature, entre le soi et lui même. Rencontre qui érige enfin l'être pour sa réelle finalité, celui d'être totalement, sans intermédiaire issue d'une pensée factice par nature.
L'actant s'est métamorphosé enfin dans ce non-acte sublime pour parvenir à ce qu'il n 'a jamais cessé d'être sans le savoir jusque là !
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse,sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.
Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d’un fantassin romain.
Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi. Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu’évidemment ils allaient quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.
Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n’avait l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu’il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.
Et le cortège passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.
Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
Chacun sa chimère. C. Baudelaire
6 comments
Première fois que j'entends parler d'une telle hypothèse; n'est-ce pas qu'un rêve? avec le temps, tout se détériore
18 février 2012 à 22:42Très bonne soirée
Bonjour Cratès, j'ai tout lu. Je ne suis que moyennement convaincu par les traces sonores sur les poteries, mais je pense que l'on exploitera, un jour, les sillons sur la matière, notamment ceux issus de méthodes industrielles. Pour enrichir le contenu de l'article vers lequel tu renvois par ça :
19 février 2012 à 11:12http://www.anecdote-du-jour.com/le-premier-enregistrement-de-voix-au-monde-date-de-1860/
Bon dimanche !
bonjour marie. L'idée de comparer l'aiguille du phonographe et le stylet du potier est assez fantastique. La science n'a-t-elle pas souvent débuté par des rêves, comme voler, regarder à l'intérieur d'un corps humain sans le découper, marcher sur la Lune ? C'est vrai qu'avec le temps tous s'en va... mais il aide souvent certains témoignages à perdurer, comme le permet la fossilisation, et pourquoi pas celle du son dans la matière ! Et même si ce n'est qu'un rêve, il nous a permis de voyager un peu dans un imaginaire presque réaliste ! Merci de ton passage Marie, à bientôt
19 février 2012 à 11:31Bonjour comprendre, excellent ton lien, quelle émotion, écouter cette voix qui s'est exprimée en 1860 !
19 février 2012 à 11:48Je ne connaissait pas ce génie.Les français ont souvent été avant gardistes en science. Je vais pouvoir enrichir l'article. Meric à toi et bon dimanche !
Passionnant ! J'aime cette idée.
20 février 2012 à 10:49Bonjour Danièle, moi aussi, c'est tellement fou que l'on voudrai que ça marche !
20 février 2012 à 15:04Enregistrer un commentaire